Life is too short to live just one…

Cahier du Jeu Video 1 : La Guerre, par Tony Fortin


Les Cahiers du Jeu Vidéo
No1 : La Guerre
par Tony Fortin


extraits : http://www.editionspixnlove.com/Tous-nos-ouvrages/La-Guerre-Les-Cahiers-JV-1/flypage.tpl.html

Je continue mon exploration des editions Pix’n Love, avec une autre de leur collection, les Cahiers du Jeu Vidéo.
Et puisqu’il faut bien commencer par quelque chose, autant le faire par ordre numéraire.
J’ai donc jeté mon dévolu sur le numéro 1 de la collection, basé sur un véritable lieu commun des jeux vidéos : la Guerre.

Jeux et Paix
« Les Cahiers du Jeu Vidéo : la Guerre » s’attache donc à explorer les liens qui unissent ce loisir numérique à un des passe-temps favoris de l’Humanité. Du moins, si on n’en croit notre Histoire.
Cet ouvrage propose plusieurs études et réflexions sur comment la guerre se retrouve dans les jeux vidéo, la manière dont elle est présentée, son évolution au fil des technologies, et les messages qu’ils véhiculent. La mise en page est riche, une habitude chez Pix’n Love, avec de nombreuses illustrations pleine page, des encarts et des surimpressions de haute volée. C’est beau, à défaut d’être toujours très lisible. Cela reste un plaisir à lire, et on a vite fait de dévorer les 200 pages et des poussières du livre.

La couverture fait un peu cheap, néanmoins, avec une mise en scène que je trouve tendancieuse.
Un soldat qui se fait souffler par un obus, avec des « Nice » et autres « extra Shoot » en couleurs flashy, c’est limite à mon gout. Ca fait dire que tuer des gens, c’est fun. Ou que le jeu vidéo banalise des tragédies humaines. Mais bon, passons.

Warplay
Nous avons donc droit à plusieurs chapitres s’enchainant plutôt bien entre eux. On peut les regrouper en trois types.
Le premier type s’attache surtout à l’historique des jeux vidéo, avec la transformation progressive des héros cartoons à la japonaise (Rambo/Commando), vers les héros gris, aux choix moraux discutables et aux faiblesses plus humaines. La tendance « Call of », avec l’esthétisation à outrance de la mise en scène, est aussi abordée.

Vient ensuite le deuxième type : l’analyse de ces changements, de leurs origines à leurs manifestations récentes (pré-2010, le livre étant édité en 2008). C’est un point de vue original qui nous est donné, l’analyse se faisant surtout avec le prisme des sciences humaines (psycho, socio, philo, histoire). On y découvre ainsi les liens permanents entre les jeux vidéos et l’armée, son utilisation comme « arme » de propagande insidieuse, et comment ils s’inscrivent dans une politique de guerre culturelle mondiale.

J’y ai ainsi découvert des jeux dont je soupçonnais à peine l’existence.
Je pense notamment à UnderSiege, le Call Of Duty arabe. Un jeu qui, malgré ses relents guerriers et ses sous-entendus vis à vis de l’Occident, garde des qualités ludiques certaines et une certaine distance vis à vis des courants politiques plus durs. Je trouve par ailleurs assez facile de faire un procès d’intention à son éditeur, alors que l’on critique à peine avant le parti-pris jusqu’au-boutiste des jeux de guerre occidentaux (enfin, américains pour être précis) et ses terroristes barbus à dézinguer par milliers.

Le dernier type aborde des interrogations plus générales, et conclut en offrant un recul intéressant sur nos loisirs numériques.

Game… Game never changes…
Donc, on y apprend des choses. Surtout si vous n’avez jamais ouvert votre livre de philo, où que pour vous un jeu vidéo se limite à son nombre de polygones et ses succès.
Cet ouvrage dépeint les loisirs vidéo-ludiques de façon assez noir.

A la fin du livre, j’avais l’étrange sensation que tous les FPS, RTS et trucs en S, n’étaient qu’une immense machine à me formater le cerveau. Leur existence n’avait pour dessein que de me transformer en guerrier latent, prêt à prendre le fusil pour aller bouter l’ennemi de ma culture (en général, un sarrasin coco à face de citron). Il est juste de rappeler que l’Informatique est issue de l’industrie militaire, et que les jeux vidéo sont utilisés tant pour la formation que pour le recrutement militaire.
Il est clair également que les game-designers sont sous influence, directe ou indirecte, et reproduisent dans leurs jeux des schémas de pensée issus de leur propre éducation. Ils ont tendance à favoriser tel camp par rapport à tel autre, affublé à l’ennemi toujours le même type de caractère, et offrir le même déroulement avec les mêmes justifications (aller tuer l’autre chez lui parce qu’on a raison).

Je suis d’accord avec tout ça …
… mais pourquoi se concentrer uniquement sur les jeux vidéo ?
Tout jeu est un conflit. Tout jeu est une simplification. Tout jeu est une idéalisation.
Parce que tout jeu est … fait pour jouer. Faire « pour de faux ».

Un jeu réaliste, qui prendrait en compte toute la complexité du monde réel et la renverrait au joueur, serait-il toujours amusant ?
Bien sûr que non.
Un jeu a pour vocation d’être une représentation simplifiée de la réalité. Où les objectifs sont plus clairs, les résultats plus immédiats et les conséquences plus importantes.
Civilization met en avant une conception colonialiste et positiviste de l’Histoire ? Et alors ? Si c’est plus amusant comme ça.
Call of Duty met en scène une guerre « propre », à coup de frappe chirurgicale et de matériel high-tech ? Et après ? C’est plus amusant que de ramper pendant des heures dans la jungle pour mourir piqué par un moustique.

Un jeu est fait pour jouer. Pour offrir une zone de confort afin d’y vivre un fantasme dont on peut sortir à tout moment.
C’est déjà le cas par le livre, la musique, la peinture et le cinéma. Chacun de ces médium nous permettent d’expérimenter des vies qui ne sont pas les nôtres, bien calés dans notre fauteuil. Pourquoi le jeu vidéo, symbiose des jeux normaux et des arts précédents, serait-il différent ?
Je pense que les auteurs ont oublié un peu vite la nature même des jeux vidéo. Et que cela fausse quelque peu leur approche du médium.

Un jeu est d’abord un jeu, avant d’être un outil de propagande, une arme culturelle ou un vecteur d’opinion. La différence avec un jeu normal tient plutôt à sa nécessité commerciale. La marelle restera toujours la marelle. Les cowboys contre les indiens, pareil. Mais pour exister, un jeu vidéo doit être acheté (dans la majorité des cas, dirons-nous). Et pour être acheté, il faut … de la nouveauté.
Quelque chose qui n’a pas été offert avant. Cela passe par les visuels mais aussi par l’histoire. Ce qui amène logiquement des points de vue différents, une approche nouvelle d’un sujet.

Contrairement à un médium de propagande, cette course à la nouveauté amène forcément de nouveaux scenarii, de nouvelles manières de les traiter, et donc l’affaiblissement de sa force en tant qu’aliénateur de masse. Nous sommes déjà passés des héros monolithiques aux héros déchus (Splinter Cell, Condemned). Deus Ex, Half Life et Bioshock ont ouvert la voie aux FPS intelligents, les sortant du carcan de la guerre mondiale. Si la guerre est présente dans tous les jeux vidéo, elle sert plus souvent de décor que d’objet de jeu.

Ce n’est pas la guerre qui est glorifiée dans les jeux vidéo.
C’est le joueur, placé dans une situation extrême, qui est au centre du récit.

The game is over
Je retiendrai de ce livre une approche originale, tout du moins peu empruntée, des relations entre la guerre et le jeu vidéo.

Il offre un historique intéressant de l’évolution des conflits au fil des créations multimédia. Il met en avant des titres peu connus, des pistes de réflexion à suivre et donne globalement du grain à moudre entre deux parties de Battlefield. Quelques problèmes de mise en couleur sont à déplorer (petit texte blanc sur fond noir = illisible), mais rien de grave techniquement.

Certains jeux mis en avant sont étonnants. Je ne vois pas trop le rapport entre la guerre et Killer7 par exemple. La plupart des JRPG ou JTBS auraient tout aussi bien convenus, les productions Square-Enix étant friandes de conflits mondiaux.

Le manque de discernement vis à vis de ce que sont à la base les jeux vidéo (des jeux interactifs pour faire « pour de faux » ) est un peu plus problématique pour moi. Sans la phrase « tous les jeux sont à message, tous les jeux de garçon portent sur le conflit » dans un coin de la tête, on a vraiment l’impression d’un plaidoyer à charge contre l’industrie vidéoludique. J’ai néanmoins bien apprécié la partie consacrée à la boucle informationnelle entre le joueur et l’ordinateur. Cet espace à la fois limité et infini, le moment où le joueur plonge dans le jeu et oublie sa propre réalité.
Il y a là matière à creuser d’un point de vue game-design, car c’est ici que se trouve le coeur d’un jeu réussi.

Malgré mes quelques réticences, ce livre reste un objet de choix dans une bibliothèque.
Les points abordés font réfléchir, et sont autant de pistes de réflexion pour enrichir et améliorer la manière de concevoir des jeux « de guerre ». Les réflexions qui sont présentées, bien qu’un peu technique pour le Bac S que je suis, demeurent accessibles quelque soit le lecteur (de plus de 15 ans quand même, sous peine d’entrer en boucle informationnelle avec son sommeil). Comme tous les Pix’n Love, il est attrayant, ce qui améliore encore son rapport qualité/prix.

A ce propos, je pense que cet ouvrage, de part son style, aurait plutôt sa place dans la collection « Questions Théoriques ». L’acheteur lambda s’attend à un peu de questionnement et beaucoup d’information. Comme dans les Pix’n Love classiques, compilant moult anecdotes et trivia. Or, c’est le contraire qui lui est proposé ici. Quelques infos croustillantes et pas mal d’intellectualisation.

Mieux vaut savoir où vous mettez les pieds.

Les + :
– Point de vue pertinent sur le traitement de la guerre dans les JV
– Nombreuses productions vidéoludiques mises en avant
– Se lit vite malgré ses 200 pages
– Mise en page à la Pix’n Love

Les – :
– Assez technique pour ceux qui ont zappé leurs cours de philo
– Critique philosophique, sans rapport avec les qualités ludiques réelles des jeux présentés
– Un oubli un peu rapide de ce qu’est à la base un jeu vidéo (i.e un jeu)
– La mise en couleurs n’aide pas toujours la lecture

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